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Mr Indigo était marchand de couleurs, rue de l'arc-en-ciel. Maison légendaire qui,
disait-il, avait fourni De Vinci en vélins, Fragonard en sanguine et Quentin de la Tour en pastels.
Mais aussi Monet en rose nymphea, Van Gogh en jaune tournesol, et Picasso en vert absinthe.
Et même Delacroix en pigments de liberté...


Ses grands pots de couleurs, soigneusement alignés, me fascinaient.
Près des illustres Brun van Dyck, vert Véronèse ou rose Pompadour tronaient les respectables bleu roi,
rouge cardinal et violet d'évêque. Plus loin, du poétique bleu d'Iroise, pour les aquarelles à l'eau de mer,
du jaune beurre frais, du rouge groseille et du café au lait, du brun canelle, du bleu majorelle, du gris tourterelle...
Ici, du ventre de biche, robe de lièvre et gorge de pigeon... Là, de l'irisé bulle de savon et du noctambule vert luciole...
Seule lui manquait, évidemment, l'insaisissable couleur caméléon.


Enfin, au fond de la boutique, conservées comme de précieux trésors, se cachaient les plus belles, les plus rares...
Celles des robes de Peau d'Ane: Couleur de Lune, de soleil, et couleur du temps... du temps qu'il fait ?
“Dites, Mr Indigo, ça existe alors la couleur de la pluie ? Et la couleur du vent ?.. Et celle du temps qui passe ?"
Le marchand de couleurs, le marchand de bonheur, ne répondit pas...
Peu importe, c'était décidé... Quand je serai grand, je serai peintre.